Le 27-28-29 avril, une trentaine de membres de l’AMEBB a effectué un voyage dans le Nord Finistère et en Côte d’Armor. Cela faisait longtemps que nous souhaitions organiser une visite dans l’ouest de la Bretagne mais en raison du temps de route, il était préférable de l’organiser sur plusieurs jours. Mais même sur trois jours, il fallait limiter les sites, tant le Léon et le Poher présentent de richesses.
Notre voyage a commencé par la visite du cairn de Barnenez, sur la presqu’île de Kernelehen, entre la Baie de Morlaix à l’ouest, la Manche au nord au-delà d’un collier d’ îlôts dont l’île de Stérec et l’Ile Noire…qui aurait inspiré Hergé, et l’anse de Térénez à l’est. Le matin de notre arrivée l’air est très frais mais la lumière magnifique. Le calme ambiant et la beauté du cadre nous aide à comprendre le choix de ce site par les hommes du néolithique pour édifier cette nécropole de 75 m de long sur 27 de large ce qui en fait le plus grand cairn d’Europe. Pour retrouver mentalement le contexte d’origne il nous faut imaginer ce paysage bien sûr sans les habitations blanches qui émaillent un peu partout la verdure et mais aussi avec une mer beaucoup plus éloignée.
Notre guide entame la visite par l’extrémité orientale du monument avant d’en faire le tour complet. Il nous apprend l’histoire surprenante de sa découverte en tant que vestige mégalithique en 1955. Le 23 mai de cette année un article du Télégramme provoque une grande émotion dans la région. Une entreprise de travaux routiers qui exploitait un monticule de pierres au lieu dit Barnenez en Plouezoch serait en fait en train de détruire un monument historique ! Pierre-Roland Giot, directeur des Antiquités préhistoriques de Bretagne venu sur les lieux confirme la thèse du journaliste et obtient le classement en urgence. Commence alors une longue période de fouilles et de restauration qui dure de 1955 à 1968. Assez vite on a réalisé qu’il s’agissait de deux cairns juxtaposés. Le cairn primaire à l’ouest contient 5 tombes à couloir, le cairn secondaire à l’est sept. Ces tombes sont inaccessibles au public pour des raisons de sécurité.
Pierre-Roland Giot a fait le choix lors de la restauration de rendre le monument le plus lisible possible pour le public mais sans reconstitution abusive : on a conservé l’entame faite par l’entreprise de travaux publics (« la carrière ») qui fournit une coupe pédagogique qui permet de voir de près quelques unes des chambres avec leur « fausse coupole » et de percevoir l’extraordinaire ingéniosité des bâtisseurs du néolithique. Ils avaient même prévenu l’affaissement de cette masse de pierre posée sur un terrain en très pente à l’est par une disposition « en terrasses »ou en degrés. Aujourd’hui Barnenez reçoit de nombreux visiteurs venus de toute l’Europe. Le bâtiment d’accueil mis en service en 1987 est devenu trop étroit. Il faudra probablement l’agrandir d’ici peu, surtout si son classement au patrimoine mondial de l’UNESCO actuellement en cours aboutit.
Deux autres joyaux du Léon nous attendent pour l’après midi : les enclos paroissiaux de de Guimilau et de Saint Thégonnec.
Un enclos paroissial c’est un espace clos auquel on accède par une porte monumentale et qui comporte une église, un calvaire, autrefois un cimetière et souvent un ossuaire ou une chapelle funéraire… On trouve des enclos paroissiaux dans toute la Bretagne mais les plus beaux ou les mieux conservés sont surtout dans le Léon.
Quand on arrive dans le bourg de Guimiliau aujourd’hui fort modeste, on est tout de suite frappé par l’importance et la richesse de l’enclos. Comment dans un si petit village a-t-on pu édifier un tel ensemble ?
Jean-Pierre Mandart nous éclaire sur cette question avant de nous guider dans la lecture du calvaire et des autres merveilles de ce lieu. C’est la combinaison de la prospérité tirée de la production de toiles de chanvre et de lin et de son commerce international, des effets de la contre-réforme catholique et de l’émulation entre villages voisins qui a poussé ces paroisses à se doter des plus beaux ensembles possibles à la fin du 16ème et au cours du 17ème siècle.
Les sculptures en granit gris de Kersanton illustrent les épisodes de la vie et de la Passion du Christ en mélangeant sans complexe les personnages en costumes du 16ème siècle et ceux de l’Antiquité. Grâce à l’emploi de cette roche, les visages et les drapés ont conservé leur netteté et leur précision après des siècles d’exposition aux intempéries ; seule la polychromie d’origine a disparu mais on peut paraît-il la retrouver certains soirs grâce à la magie d’illuminations très savantes … Dans la foule des personnages, on retrouve une évocation de l’enfer qui guette les pécheurs, ici Katell Golet, femme de la paroisse qui a cédé à la séduction de Satan, entraînée à sa perte par des diables.
L’église à l’intérieur ressemble par ses proportions à de nombreuses églises rurales mais quel décor et quel mobilier ! : le baptistère en bois ciré, le buffet d’orgue, la chaire à prêcher, le chœur et ses lambris, les retables baroques des bas-côtés consacrés au Rosaire et à Saint Joseph, les sculptures en bois polychrome, tout est fascinant.
Un coup d’œil avant de partir sur le clocher de type Beaumanoir qui signale au loin la présence de l’enclos, à la sacristie inspirée sans doute de réalisations de l’architecte Bramante, à l’ossuaire marqué par le décor Renaissance : nul doute, les concepteurs de ces œuvres connaissaient bien l’Italie.
Si à Guimiliau les lignes horizontales dominent dans l’architecture, à Saint Thégonnec ce sont les verticales. La tour clocher, inspirée de celle de Pleyben, construite entre 1600 et 1610 s’impose à la vue du visiteur, la porte monumentale aussi. .
Le calvaire est moins riche que celui de Guimiliau mais lui aussi se distingue par sa verticalité
Ce qu’on appelle habituellement l’ossuaire, en fait une chapelle funéraire des années 1670, renferme dans sa crypte un étonnant ensemble de sculptures grandeur nature représentant le Saint Sépulcre, oeuvre du sculpteur morlaisien Jacques Lespaignol.
Nous quittons Saint Thégonnec pour nous diriger vers une autre splendeur de la fin du 16ème siècle, le château de Kerjean. Construit par Louis Barbier dont la fortune provenait à la fois du monde de la justice et de celui de l’Eglise, ce château est à la fois une agréable demeure et une puissante forteresse.
Ces remparts qui nous surprennent autour d’une résidence de plaisir ont été d’une grande utilité pour le maître des lieux au cours des guerres de religions.
Les héritiers et en particulier la marquise Suzane-Augustine de Coatanscour mettront un point d’honneur à les entretenir et à les garnir d’armement jusqu’en 1789 .
C’est un incendie au 18ème siècle qui a ruiné l’aile est du logis. Au cours de la Révolution, l’intérieur du château est victime d’actes de vandalisme de soldats en garnison dans les lieux, le mobilier est vendu aux enchères, le château lui-même est racheté par des parents des anciens propriétaires, les Brilhac. Eux-mêmes poursuivent la dégradation en vendant des pierres de l’aile des Arcades et de nombreux arbres du parc. Kerjean cependant renoue avec l’activité culturelle brillante de l’Ancien Régime avec Charles de Coatgoureden qui y accueille le congrès de l’Union régionaliste bretonne en 1904 et les premiers spectacles du Bleun Brug. Le château est vendu à l’État en 1911 qui ne prend pas beaucoup d’initiatives pour sa mise en valeur malgré l’action de la société des « Amis de Kerjean ». Dans les années 1990, l’État délègue la gestion au Conseil général du Finistère. C’est alors que commence la véritable renaissance de Kerjean : les bâtiments sont restaurés, les manifestations culturelles se multiplient, en 2011 un nouveau parcours de visite est ouvert au public. Nous avons le privilège d’être parmi les premiers (mais nombreux) bénéficiaires de ce parcours alliant remarquablement la conservation de l’ancien et les technologies les plus récentes.
L’un des éléments qui se distingue à Kerjean est sa chapelle, perchée à l’angle sud-est des remparts ce qui la rend particulièrement visible au visiteurs arrivant au domaine sans cacher la façade du logis.
À l’intérieur le regard est immédiatement attiré par l’élégance de la voûte de bois et les sculptures de la frise et des sablières.
Un ingénieux dispositif permet au public de grossir les détails et de se documenter.
La visite est passionnante et nous débordons largement l’horaire de fermeture : la tradition d’hospitalité des maîtres de Kerjean est respectée ! Il nous reste un peu de temps pour faire le tour par l’extérieur ce qui nous permet d’apprécier le parc et le romantisme des lieux.
Nous faisons escale pour la soirée dans le centre historique de Roscoff, à proximité de l’église Notre-Dame-de-Croaz-Batz dont l’étonnant clocher renaissance signale l’emplacement du vieux port en mer comme sur terre .
Ici ce n’est pas un calvaire qui rappelle la brieveté de la vie mais un cadran solaire élégant mais inquiétant.
Samedi 28 avril au matin, l’air venant de la mer est frais et tonique mais le ciel plus chargé que la veille : le temps reste cependant convenable pour des visites extérieures. Nous nous rendons sur un des sites naturels les plus remarquables de Bretagne : les dunes de Keremma sur la commune de Goulven, entre Plouescat et Brignogan.
Cet espace de 6 km de long et de 185 ha est aujourd’hui géré par le Conservatoire du Littoral -donc désormais durablement protégé- il se distingue à la fois par sa richesse naturelle et par son histoire. Le Conservatoire du Littoral y a aménagé depuis 1987, une maison d’accueil des visiteurs, la Maison des dunes.
Un sentier pédagogique canalise la circulation et permet de s’informer sur l’environnement, sa composition, son évolution, l’action du Conservatoire pour le protéger, solutions transférables ailleurs.
Au bout du sentier, on découvre un espace muséographique qui contient une masse d’informations sur l’univers les dunes de Keremma et leur protection.
Nous consacrons l’après midi à Brest .
Brest a été et une ville double et le reste sous certains angles : la ville historique de l’est de la Penfeld « Brest même », ville de langue française et des classes favorisées, les quartiers de l’ouest dont Recouvrance, ville des classes laborieuses parlant breton. L’image qu’on se fait de la ville reste aussi souvent double : la ville de la reconstruction jugée terne et sans âme opposée à la ville d’avant-guerre mythifiée entre autres par le « Brest » de Mac Orlan, celui du « Barbara » de Prévert, celui du film « Remorques » de Grémillon … et la mémoire collective. Aujourd’hui la coupure n’est plus aussi nette : certes les rives de la Penfeld utilisée par la Marine continuent à être difficiles d’accès mais la rupture d’urbanisme n’est plus très évidente, la mise en oeuvre du tramway, l’aménagement piétonnier des grands axes, la rue Jean Jaurès et la rue de Siam rendent ses rues plus accueillantes et en devenant une ville universitaire, la vie culturelle a pris un nouveau souffle : ce qui se passe à Brest en ce domaine a souvent un retentissement national.
C’est ce que nous découvrons au cours de notre visite guidée en car.
La suite du voyage nous emmènera à l’entrée de la presqu’île de Crozon, puis sur la route de Rennes, par le Centre-Bretagne.
Le pont de Térenez
Landévennec : le musée de la vieille abbaye
Pleyben
L’abbaye de Bon-Repos