6 octobre 2018 – Au Musée de Bretagne, une rare et curieuse affiche révolutionnaire

Affiche révolu

L’utilisation de la langue bretonne dans les actes officiels de la Révolution française, par Hervé Le Vot, membre de l’AMEBB.

C’est au musée de Bretagne que Monsieur Le Vot nous a présenté une rare et curieuse affiche révolutionnaire bilingue français – breton intitulée EGALITE LIBERTE, datée du 14 frimaire an II (4 décembre 1793), et exposée dans les collections permanentes. Elle illustre un aspect de la politique linguistique des dirigeants révolutionnaires, politique qui a évolué au cours du temps en fonction des évènements et des tendances au pouvoir.

Cette affiche, qui se présente sur deux colonnes, celle de gauche en français, celle de droite en breton, est un décret imprimé à Brest, qui annonce la mise en place de bureaux de traduction. Il est précisé que le texte en français sera toujours placé à côté de la traduction en langue locale. L’objectif n’est pas de favoriser les langues régionales, mais de contrer la propagande contre-révolutionnaire et religieuse qui se fait en breton (surtout le breton du Trégor) afin de mieux toucher les populations locales. La recension des textes en breton de cette période donne 138 pro-révolutionnaires et 115 contre-révolutionnaires, ceux-ci souvent trouvés sur les personnes arrêtées. Mais dès le 27 janvier 1794 – c’est la Terreur – un nouveau décret impose le français : d’après le conventionnel Barère, le fédéralisme et les patois parlent contre-révolutionnaire. Mieux vaut écrire que traduire, et si la population n’est pas capable de lire le français, qu’on envoie des instituteurs partout dans le pays. Le 4 juin 1794, l’abbé Grégoire, celui-là même qui a contribué à la fin de l’esclavage, fait un rapport sur les moyens d’éradiquer les langues régionales, celles-ci ne pouvant pas, selon lui, restituer les idées de la Révolution. Seule l’unité de langue peut faire l’unité de la république. Et on en arrive à des mesures d’emprisonnement contre les locuteurs ne s’exprimant pas en français.

Pourtant, il faut se mettre à la portée des populations, à une époque de grande instabilité politique. La traduction est un véritable enjeu pour le succès de la Révolution. Alors, le pragmatisme l’emporte : avant même la fin de la Convention montagnarde, le 20 juillet 1794, l’interdiction de traduire est suspendue, on décide d’utiliser les langues locales comme langues auxiliaires, et ce sont des notables – ceux qui savent lire et écrire – qui doivent faire passer les idées nouvelles. Activité pleine d’embûches, il n’est pas aisé de trouver les traducteurs aptes à exprimer les idées nouvelles, d’autant plus que certains mots n’existent pas en breton …